Le fonctionnement du Groupe de jazz
Les jazzmen utilisent des codes pour pouvoir communiquer en improvisant. Ces codes sont de deux sortes : musicaux et gestuels. Cette communication se fait au sein d'une logique de structure musicale universelle. Dans le cadre d'un standard de jazz et de la plupart des morceaux la grille sert de repère aux musiciens.Les codes du groupe de jazz
Lorsque qu'un groupe de jazz interprète un standard, le thème est d'abord exposé par l'un des instrumentistes du groupe. Au sein de l'orchestre de jazz, c'est très souvent à l'instrument concertant que revient le rôle de jouer le thème du morceau en premier. Dans le cadre d'un trio clavier, basse, batterie, le thème est souvent exposé au clavier. Dans un quartet avec saxophoniste, ce dernier joue souvent le thème. Evidement dans un groupe avec chanteuse, c'est à cette dernière que revient quasiment toujours la responsabilité de chanter la mélodie.
Une fois le thème principal du morceau joué, les improvisations (ou chorus) des membres du groupe peuvent commencer en respectant la suite harmonique de la grille. Tous les musiciens sont alors à l'écoute les uns des autres pour déterminer qui prendra le premier chorus. En effet ça n'est pas toujours l'instrumentiste qui expose le thème qui prend le premier chorus.
Dans le cadre d'un quartet jazz, le premier musicien à improviser est souvent le "soufflant" : au saxophone, à la trompette ou au bugle. Lorsqu'il y a une chanteuse, elle peut prendre le premier chorus. On dit alors qu'elle "scat". Cela peut être aussi parfois le pianiste ou le contrebassiste. Il est rare que le chorus soit confiée au batteur en premier lieu.
Dans la situation où le groupe à un leader, ce dernier peut à la fin de l'exposé du thème désigner du regard celui qui devra improviser, en quelque sorte celui à qui il passe le relais. De façon générale, tout musicien à la possibilité d'indiquer musicalement ou gestuellement qu'il souhaite chorusser.
Le changement de musicien improvisateur se fait toujours à la reprise d'une nouvelle grille. Quelques exceptions à cette règle :
- lors d'une ballade après les chorus instrumentaux, la chanteuse reprend souvent le thème au "B" de la grille.
- lors d'alternances instrumentales type "quatre - quatre" ou "deux - deux" entre musiciens du groupe.
- Dans certains cas, le soliste du groupe jazz événementiel joue parfois uniquement le thème sans chorusser.
En résumé, la structure de la grille est un cadre qui permet une grande liberté d'expression lorsque les règles musicales, harmoniques et rythmiques sont respectées.
La grille harmonique
La grille est une suite de petites cases dans lesquelles sont inscrits les accords chiffrés, autrement dit les harmonies correspondantes à la mélodie. Chaque case représentant une mesure, en général quatre par ligne. Il y en a donc autant que de mesures pour le thème concerné. Pour le jazzman la grille est une synthèse, facile à lire, de la structure harmonique du morceau.
La grille est le schéma général indiquant la succession d'harmonies et la structure du morceau.
Lorsque la mélodie est écrite avec la grille, comme dans les partitions des "Real book", toutes les indications nécessaires sont présentes pour que le morceau puisse être joué. Pour autant cela ne pourra pas se substituer à une écoute attentive du morceau en question interprété par des musiciens de références. Le jazz se transmet avant tout par l'écoute.
Le principe de la grille permet à tout membre du groupe d'accompagner instantanément un thème de jazz même si il ne le connait pas.
Par extension et facilité de langage on appelle aussi souvent grilles les partitions du type "Real book". Les accords ne sont plus présentés dans des cases mais au dessus de chaque mesure du thème qu'ils harmonisent. Ces accords chiffrés sont situés au dessus de la mélodie écrite en toutes notes, en notation solfégique classique.
Avec la grille du blues de 12 mesures, la structure de standard de jazz la plus courante est celle qui est composée de 32 mesures de type AABA. Chaque "A" ou "B" forment une carrure de huit mesures.
Le premier A expose une mélodie et son harmonisation, autrement dit une mélodie et ses accords. Ces huit mesures seront répétées la plupart du temps à l'identique dans le deuxième A. Le B se nomme le "pont". Il est très souvent est dans une autre tonalité. Puis le dernier A reprend simplement le thème et la structure du 1er A.
Communication musicale et improvisation
Il est souvent demandé comment les musiciens de groupe de jazz peuvent communiquer entre eux pendant une improvisation musicale. La réponse première est : l'écoute mutuelle. Lorsque la grammaire musicale est bien maîtrisée par les musiciens, la symbolique d'une conversation à plusieurs est appropriée, pour parler de ce qu'il se passe au sein d'un groupe de jazz. Le regard est aussi souvent utilisé lorsqu'on termine une improvisation pour désigner ou proposer à un musicien de prendre le relais.
En musique, le terme phrase musicale est couramment employé, il est en effet révélateur de la réalité.
Lorsqu'un musicien improvise, on peut considérer qu'il parle. Si ses collègues parlent en même temps pour exposer des idées différentes, cela risque de brouiller l'information, de créer une cacophonie. C'est pour cela que les autres musiciens doivent avoir à ce moment le rôle d'accompagnateur autrement dit former la section rythmique du groupe jazz. Si le pianiste fait parti de cette section, il pourra "prendre la parole" lorsque le précédant soliste terminera son chorus.
La symbolique de la phrase est aussi intéressante pour signifier qu'un musicien peut "parler trop" dans la forme et n'avoir pas assez de "fond", d'idées intéressantes. Cela se traduit par trop de notes qui n'ont pas suffisamment de sens musical, ou qui manquent d'inspiration. Un musicien débutant ou maitrisant mal son sujet, peut chercher à "remplir" son improvisation de beaucoup de notes mais avec peu d'idées musicales. Cela revient à parler pour ne rien dire.
L'improvisation jazz
Une improvisation est à l'image d'une conversation à plusieurs personnes. Le sujet de la conversation (la grille jazz) est défini, décidé par avance, mais les phrases utilisées pour développer les idées de ceux qui participent au débat ne sont pas prévues mot à mot, phrase par phrase.
C'est exactement le même principe dans une démarche d'improvisation au sein d'un groupe de jazz. Nous savons quel sujet sera abordé (la suite harmonique de la grille), nous avons nos propres façons de nous exprimer (le style, le phrasé, le choix des notes en fonction des harmonies) mais chaque note, chaque phrase musicale n'est pas "récitée" ou prévue à l'avance.